Vote par Internet : l’expérience de la Suisse

La Suisse, au même titre que l’Estonie, fait figure de précurseur en matière de vote par internet – e-voting ou vote électronique. A l’essai depuis l’année 2000, le vote par internet se développe en Suisse en vue de rallier de plus en plus de cantons à sa cause. Le postulat à l’origine de cette volonté commune : les bulletins de vote envoyés par correspondance pour les Suisses séjournant à l’étranger arrivent souvent trop tard à destination. Dans cette optique, le vote par internet est d’abord réservé aux Suisses de l’étranger. Peu à peu et dans certains cantons seulement – Genève, Neuchâtel et Zurich en tête – les électeurs domiciliés en Suisse se voient offrir cette possibilité de voter en ligne. Une expérimentation dont les autres pays d’Europe tireront sans nul doute les conséquences appropriées…

Scrutin en ligne : le cadre légal du vote électronique en Suisse

Si la Suisse autorise le vote par internet tant pour une élection que pour une votation – référendum à l’initiative des citoyens suisses – la procédure est strictement encadrée par la loi fédérale :

  1. Pour pouvoir expérimenter le vote par internet, le canton doit préalablement obtenir une autorisation générale de la part du Conseil fédéral (article 8a alinéa 1 de la Loi Fédérale sur les Droits Politiques). L’autorisation est délivrée pour une période maximale de deux ans. Cette autorisation au bénéfice du canton de procéder au scrutin en ligne peut être limitée à un pourcentage de l’électorat, à une partie du territoire, à certaines dates et à certains objets.
  1. Titulaire de son autorisation générale d’expérimenter le vote par internet, le canton doit solliciter, pour chaque scrutin, un agrément de la part de la Chancellerie fédérale.
  1. Une fois l’autorisation générale puis l’agrément obtenus, libre au canton d’organiser le vote par internet selon les règles qu’il fixe et de choisir son propre système de vote électronique. Attention, le système de vote par internet adopté par le canton doit remplir des exigences de sûreté et de fiabilité.

Voter en ligne : le point sur l’exception suisse

Une problématique évidente se pose lorsque le vote électronique est envisagé : la sécurité en vue de garantir le respect de la démocratie. Sécurité des données transmises par voie électronique pour une confidentialité de mise, mais aussi authenticité du vote en ligne : les suffrages ne doivent pas pouvoir être modifiés ni divulgués, et seul un électeur qualifié doit pouvoir être en mesure d’exprimer son vote – une seule fois s’entend.

Autre problématique lorsqu’il s’agit d’envisager le vote par internet : le prix que suppose la mise en œuvre d’un tel système électronique. Deux systèmes de scrutin en ligne distincts se partagent actuellement le « marché » en Suisse : le système de Genève développé originellement par HP et le système de La Poste d’origine espagnole. Chaque canton autorisé à procéder à une élection avec vote par internet peut mettre en place son propre système, ou opter pour l’un des deux systèmes existants – à moindre coût…

Le 27 novembre 2016, un scrutin en ligne est ouvert par le canton de Fribourg à 5000 citoyens suisses, 1700 parmi eux votent : 34% des votants au second tour des élections cantonales fribourgeoises optent alors pour le vote électronique. Pour les années 2017 et 2018 à venir, le Conseil fédéral a autorisé cinq cantons à procéder au vote par internet. La votation prévue à Berne en date du 12 février 2017 amènera-t-elle autant d’électeurs à l’urne en ligne ?

Malgré des obstacles d’ordre technologique et financier, l’expérience de la Suisse semble encourageante au vu des pourcentages de votants en ligne. Si ce pays fait actuellement figure d’exception, fort à parier que le vote par internet est l’outil de demain. Dans un contexte où les nouvelles technologies s’invitent dans le quotidien, dans un climat politique où les extrêmes se mobilisent, le vote électronique semble en effet représenter une solution évidente.